Le Grand Sbam / Iana
Festival Jazz à Luz 2018
Orchestre Le Grand Sbam
Mercredi 11 juillet — 22:00
En cette soirée d’ouverture, le Festival Jazz à Luz prend le parti de la surprise en proposant Le Grand Sbam, orchestre hybride enraciné dans la musique contemporaine et empreint des cultures populaires actuelles. Bien qu’héritier de la tradition classique — musique écrite, présence d’un chef d’orchestre, formation instrumentale classique (flûte, clarinette, guitares, harpes, clavecin, violon, violoncelle, contrebasse) — l’orchestre est indéniablement ancré dans la culture noise, rock, électro (claviers, machines). Ajoutées à cela, une danseuse de flamenco, une vocaliste au récit théâtralisé et une structure plastique colorée en fond : voilà l’univers du Grand Sbam. Un projet riche d’une diversité d’esthétiques et de genres ce qui n’est pas étonnant, puisqu’Antoine Arnera en est le compositeur principal. Issu d’une éducation musicale classique et institutionnelle, le claviériste virtuose connu pour son projet solo Gwyn Wurst fait partie du collectif Lyonnais Dur et Doux, « collectif de musiciens libérés ». Le début du concert laisse place à quelques appréhensions dues à l’agencement déconcertant de trois parties assez longues et singulières : une introduction d’écriture complexe connotée musique moderne, un solo de claquettes flamenco, puis une narration dense traitant de différentes théories sur la création du monde. En recherche de cohérence, difficile de trouver des repères dans ce spectacle qui transgresse les codes du concert. Malgré ces quelques longueurs initiales, la musique du Grand Sbam fait preuve d’une grande qualité d’écriture, avec des partis pris intéressants et assumés (traitement des voix, parties improvisées, mise en scène et narration etc.). Bien que la structure du concert mériterait d’être peaufinée, le concert en sa globalité laisse présager un devenir grandiose. Merci Jazz à Luz pour cette ouverture touchante et forte de fraicheur.
Iana
Jeudi 12 juillet — 19:00
Iana — le duo des pianistes Betty Hovette et Christine Wodrascka — est certainement la perle rare de cette édition du festival Jazz à Luz. Après une introduction corsée où les musiciennes imposent la discontinuité via l’usage répété de silences, s’en suit une partie centrale où elles se retrouvent, ne faisant qu’une dans un jeu minimaliste et répétitif virtuose. Elles exploitent le potentiel des sons graves du piano révélant les harmoniques des cordes via une matière sonore évolutive qu’elles construisent et travaillent. Puis, avec une fine maîtrise et un usage très musical du piano préparé, expérimentant à même les cordes, elles échangent, transformant les bruits en sons avec une conduite quasiment mélodique. De retour aux claviers, des motifs aux couleurs impressionnistes jaillissent çà et là, installant une atmosphère davantage paisible jusqu’aux dernières notes qu’elles joueront. Ce concert, une improvisation cadrée très bien menée, de forme cohérente, met en lumière un travail abouti. Deux personnalités se rencontrent, la délicatesse de Betty Hovette imprégnée du raffinement de la musique contemporaine, ainsi que le jeu brut de Christine (usage du poing, de l’avant bras), hérité notamment de la spontanéité de l’improvisation libre. À la sortie du concert, le public enthousiaste témoigne d’une adhésion collective.
Sarah Brault
Ce compte-rendu a été publié dans Improjazz Magazine n°249 — septembre 2018
Remerciements à Marion Josserand et Jean Blaquière